Au fin fond de l'Anatolie profonde

Nous voici arrivés en plein cœur de l’Anatolie. Nous pédalons dans un paysage de longs vallonnements à perte de vue. Le plateau est marqué par des grandes cultures céréalières irriguées qui montent juste au pied des collines. Après c’est le royaume des moutons. Plus loin encore, on devine des sommets encore enneigés. Dans les villages, le contraste est frappant entre les maisons traditionnelles pauvres, de pisé et de pierre et les vastes maisons construites par les immigrés qui reviennent construire au pays, toutes fermées jusqu’à cet été.

Sur les routes du plateau Anatolien

Surprise, dans les cafés, qui ne servent d’ailleurs que le cay, le thé que l’on nous offre à longueur de journée au bords des routes, nous sommes souvent abordés en français par des personnes d’un certain âge ayant travaillé qui en France, qui en Belgique. Chaque village semble avoir ses lieux privilégiés d’immigration, à Blois, Orléans, Bruxelles. C’est l’occasion d’échanger sur les différences, les espoirs et les enjeux. Beaucoup viennent investir au pays, dans l’agriculture, l’argent longuement épargné en Europe. Les enfants, eux, ont fait leur vie en France ou en Belgique. Un ancien conducteur routier nous vante les bienfaits d’investir dans le développement agricole turc et nous propose de prendre des parts dans sa future entreprise d’élevage bovin !

Invités à boire le çay au café du village

Un soir, menacés par la pluie, nous frappons à une porte à côté de la mosquée et tombons sur un jeune imam énergique au regard pétillant. Il nous guide chez le muftah, le chef de village, nous installe dans la petite salle communale sur les tapis et nous invite à venir manger chez lui. Nous croisons sa fille mais impossible de voir ou de saluer sa femme qui s’affère aux fourneaux. Il rentre juste de chez ses parents et en a ramené de délicieux produits maison, pain, œufs, saucisses de vache, confiture, crème, beurre, un délice qu’il a plaisir à nous faire partager. Nous échangeons avec nos quelques mots de turcs et d’anglais et prend un réel plaisir à nous enseigner sa langue. Nous terminons juste quand la police débarque à la maison avec le maire en nous vérifiant et gardant trace de nos passeports, étonnant ! Le lendemain matin après un copieux petit déjeuner de crème de sésame, tomates, halva et l’incontournable cay, il nous fait fièrement visiter les fouilles archéologiques de son village datant de plus de 1500 ans, église byzantine, thermes…

Petit déjeuner avec l'imam de Hisan

Nous sommes toujours surpris par l’incroyable hospitalité turque, la curiosité et l’attention à notre égard. On nous hèle pour venir boire le thé à toute heure. Nous demandons à planter la tente et nous sommes invités à partager un repas. Une bonne leçon d’hospitalité et d’ouverture pour nos sociétés peut être tolérantes mais beaucoup indifférentes.

Pendant plusieurs jours, nous devons batailler avec un fort vent de face qui nous épuise pour une bien maigre vitesse de 10 km/h. Enfin, aujourd’hui, après une bonne tempête la nuit dernière, nous retrouvons un splendide vent du nord et parcourons près de 120 km dans la journée en compagnie d’un couple de suisses allemands rencontrés sur la route. Le temps est maussade, avec quelques grains mais les paysages sont somptueux, sur des petites routes tranquilles, une température idéale par rapport aux jours derniers. L’Anatolie telle que nous l’imaginions et toujours plus jolie vent arrière.

Avec un couple Suisse rencontré sur la route, arrivée à Yunak avant l'orage