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Génies de la clim

Dans l’attente de nos visas Ouzbek, Tadjik et Chinois, nous mettons cap au sud, une petite semaine vers Kashan et Yazd, les vélos dans le bus.

Nous sommes accueillis à Aran par Ali, professeur d’anglais dans une entreprise pétrochimique chinoise, aujourd’hui à la retraite. Il retape depuis plusieurs années une ferme fortifiée du XVIIème siècle. Nous logeons dans la tour constituée d’une épaisse muraille de plus de 2 mètres à la base en adobe. Au dessus de nous, une magnifique voûte de terre crue de plus de 5 mètres de haut nous sépare du deuxième étage. Dans le jardin en cours d’aménagement, des pistachiers, des grenadiers, quelques figuiers, de la luzerne, les seules plantes qui résistent encore à l’eau saumâtre et à l’avancée du désert. Il remonte un à un avec patience tous les bâtiments en utilisant les méthodes traditionnelles de construction avec les matériaux locaux et se désole de la perte de savoir-faire des artisans locaux. Presque tous abandonnent des traditions multi millénaires pour construire à la va-vite des bâtiments en poutrelles métalliques et en béton dont les propriétés thermiques sont aussi mauvaises en été qu’en hiver.

La tour de la ferme fortifiée en adobe du XVIIIème siècle qu’Ali restaure avec patience

Kashan, à une dizaine de kilomètres est une ville magnifique, aux portes du désert. Il fait déjà chaud, 40° à l’ombre mais les anciennes maisons sont encore tempérées. Pour conserver cette fraîcheur, les gens du lieu construisaient les bâtiments en adobe en les enterrant. Des maisons de 3 à 5 étages, ne dépassent du niveau du sol que d’un étage. Les autres étages sont creusés dans la terre où la température est plus clémente. Des bassins et des arbres apportent dans la partie la plus basse une fraîcheur bienfaisante. Rien en extérieur ne laisse deviner l’importance de ces bâtisses qui datent pour la plupart d’environ 300 ans.

Maison enterrée de Kashan. Au fond, les étages les plus frais avec un bassin, grenadiers et figuiers

Ali nous emmène le matin chez plusieurs membres de sa famille. Sa sœur perpétue à la maison la tradition de la confection des tapis à la main . Quand nous arrivons, un tapis de 3 mètres sur 4 est en cours de réalisation. Chaque brin de laine est noué à la trame selon des dessins savamment maîtrisés. A chaque ligne, les brins sont tassés au maillet. Ce tapis demandera 6 mois de travail et sera vendu autour de 1000 €. Un travail considérable pour cette famille qui s’assure ainsi un complément de revenu. Toute la famille s’y met à l’occasion et la plus petite de 4 ans savait déjà nouer les brins à 2 ans ! Le travail n’est cependant pas que féminin et les hommes aussi participent.

Toute la famille participe à la confection des tapis. Apprentissage dès 2 ans…

Un de ses beau-frère s’est quant à lui spécialisé dans la réalisation d’eau de rose. La région de Kashan produit les meilleures roses du golfe persique. Nous arrivons malheureusement après la récolte qui se fait dans le courant du mois de mai. 20 kg de pétales de roses auxquels sont ajoutés 400 litres d’eau sont chauffés dans une étuve. La vapeur produite est refroidie et se condense en précieuse eau de rose. Après repos, se forme sur le dessus une petite couche de la précieuse huile essentielle, essence extrêmement concentrée. Les 200 kg de roses donneront ainsi environ 2 grammes d’huile. La famille nous explique toutes les escroqueries sur l’eau de rose et nous vente la qualité de sa production, vendue environ 5€ le litre. L'huile, beaucoup plus précieuse, sera vendue environ 15 les 3 grammes. Nous sommes accompagnés d’une jeune Chinoise très intéressée par un éventuel commerce de cette production dans son pays.

Fabrication de l’eau de rose

Dans la famille d’Ali, toutes les chaussures attendent à la porte.

La grand mère au regard rieur

Le soir nous rencontrons le président du conseil municipal, rôle plus technique mais disjoint du maire, et un de ses adjoints pour discuter déchets et tri sélectif avec Brigitte. La protection de la ressource en eau est pour eux une question vitale. Ici, le réchauffement climatique se fait clairement sentir, des terrains autrefois cultivés sont progressivement mangés par le désert qui ne cesse d’avancer. Ils tentent de limiter l’avancée des dunes lors des vents de sable fréquents en fin d’hiver en déversant une sorte de bitume sur le haut des dunes. Solution dérisoire.

Nous reprenons les vélos le lendemain et faisons du stop à la barrière de péage pour continuer vers Yazd. Nous sommes pris par deux chauffeurs qui convoient un bus d’Allemagne au Pakistan. Une dizaine de jours de voyage en continu.

Yazd est avec Ur en Mésopotamie, une des plus anciennes villes connues dans le monde. Les premières maisons en adobe sont datées de -3000 av JC. Tout le centre de la ville est parcouru de venelles dans un entrelacs de maisons à l’architecture semblable à celle que nous avons vue à Kashan. La chaleur sèche est pesante, et nous apprécions les zones fraîches en visitant les vieilles maisons.

De hautes « tours du vent » viennent capter le moindre souffle et par différence de température entre le haut et le bas, une vingtaine de mètres, créent un mouvement d’air qui descend dans un bassin rempli d’eau et assurent ainsi une climatisation naturelle. Cette technique est vieille de plusieurs millénaires ! Le résultat est spectaculaire entre la température au sol qui peut monter l’été à plus de 50°, l’intérieur des maisons au rez-de-chaussée autour de 35°, les premiers étages autour de 25 à 30° et le plus bas qui peut descendre à 16°. Plus de 30° gagnés sans énergie fossile, qui dit mieux ?

Dans les rues de Yazd en pisé, une des plus anciennes villes du monde avec ses tours du vent permettant une climatisation naturelle dans les étages inférieurs

Les toits en adobe et les tours du vent

Les briques de terre crue mélangée à la paille sèchent au soleil

L’adobe permet la réalisation de très belles formes architecturales, toutes en courbes

Les « qanats », des aqueducs souterrains de plusieurs dizaines de kilomètres ont été creusés pour aller chercher l’eau dans les sources des montagnes. Un travail colossal pour creuser des galeries à la pente douce et régulière, conserver la fraîcheur de l’eau et l’oxygéner. Les « qanatiers » avaient un travail épuisant et dangereux. Ils portaient en permanence des habits blancs pouvant à l’occasion leur servir directement de linceul. C’est à ce prix que la vie était assurée dans ce désert. La réussite des monarques se mesurait en grande partie au linéaire de qanats qu’ils avaient pu financer. Nombre d’entre eux ont été détruits lors des invasions mongoles du XIVème siècle mais ce métier a perduré jusqu’à l’introduction de réseaux d’adduction dans la 2ème moitié du XXème siècle. Les qanats continuent à amener de l’eau, réservée aujourd’hui à l’arrosage faute de pouvoir s’assurer de l’absence de déchets jetés dans le réseau.

A proximité du caravanserail d’Ardakan, se trouve une gigantesque glacière remplie de neige et de glace en hiver de plus de 20m de haut en double paroi et deux entrées de trois sas pour garantir la meilleure étanchéité thermique. Elle permettait d’offrir glaces et boissons fraîches aux plus riches marchands tout l’été !

Ici, les maisons sont beaucoup mieux conservées, la commune ayant assuré un plan de sauvegarde et le développement de l’eau courante et du gaz dans l’habitat ancien. En campagne, plusieurs villages comme Kharanak ont été totalement abandonnés faute de pouvoir être adaptés à l’électricité, au gaz et à l’eau courante. Véritables termitières géantes, ils disparaissent petit à petit. Nés de la terre, ils retourneront à la terre en quelques années, constructions totalement recyclables.

Les qanats qui viennent des montagnes traversent les parties les plus profondes de la maison, assurent une climatisation naturelle de la maison

Un réservoir d’eau à Yazd avec son dôme, 20 mètres au dessus du bassin et les tours du vent qui permettent de rafraîchir et oxygéner

Le réservoir d’eau, la partie la plus fraîche de la maison (16 à 20°) est utilisé pour se reposer l’après-midi au plus chaud de l’été

La glacière d’Ardakan permettait de conserver la neige et la glace de l’hiver tout l’été

Le village abandonné de Kharanak, né de la terre, il retourne lentement à la terre

A Yazd, nous sommes invités par les militants vélo locaux à une réunion de travail pour mettre en œuvre une journée sans voiture dans la commune. Les techniciens de la commune y sont favorables mais craignent les réactions négatives des autorités religieuses très réticentes au développement du vélo parmi les femmes. Comme Ispahan, la ville de Yazd a connu une forte pratique du vélo jusque dans les années 70/80 durant lesquelles tout a été fait pour adapter la ville à la voiture. Appui des commerçants, aide des vélocistes locaux, modalités de fermeture de quelques axes, actions pédagogiques, location de vélos, nous passons en revue les différentes possibilités d’actions. L’idée d’ateliers de recyclage de vélos leur plaît bien.

Avec les militants vélo de Yazd pour préparer une journée sans voitures dans le centre-ville

Nous sommes hébergés par Mitra, jeune ingénieure passionnée de vélo, ce qui n’est pas simple dans une ville religieuse comme Yazd, et Mazda son mari. Tous deux sont de religion Zoroastrienne (voir le post à ce sujet) et moins tenus aux obligations coraniques que les musulmans. La plupart des membres actifs du groupement vélo sont d’abord des grimpeurs. Le bâtiment dans lequel nous nous retrouvons ressemble à la Maison de l’Environnement de Grenoble qui rassemble militants environnementaux, amoureux de la montagne et passionnés de sport de plein air. Comme à Tabriz, la montagne, le vélo et les grands espaces sont pour eux un véritable espace de liberté.

Dans la famille de Mitra et son mari Mazda, tous deux zoroastriens

Nous remontons à Téhéran pour notre 2ème épisode de chasse aux visas, sans doute pas encore le dernier…

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