Ainsi parlait Zarathoustra

A plusieurs reprises nous avons croisé sur notre route le zoroastrisme. Même si nous en avions encore quelques vagues souvenirs d’histoire de l’empire perse, de philosophie, c’est l’occasion d’en savoir plus sur cette religion victime des aléas de l’histoire. L’opportunité nous en est donnée chez Mitra et Mazda, tous deux zoroastriens qui nous accueillent à Yazd.

Il s’agit de la plus ancienne religion monothéiste connue, née il y a 4 à 5000 ans en Iran, adoptée par l’empire Perse comme religion officielle jusqu’à la conquête arabe. Elle s’est étendue au rythme de l’extension de l’empire jusqu’en Chine, en Egypte et dans les Balkans. Combattus par l’Islam de façon sanglante, ses zélateurs ont fui majoritairement vers l’Inde où ils forment encore une communauté importante de 200.000 personnes, dont le PDG de Tata, la multinationale indienne. Ils sont encore autour de 20 000 en Iran, 300 000 avant la révolution islamique de 1979. De nombreux immigrés politiques notamment aux Etats-Unis s’y sont aussi convertis dans les années 80 en réaction à la révolution islamiste et en phase avec la tendance New Age.

La représentation de Ahura Mazda avec les ailes d’aigle et l’anneau du pouvoir à Persepolis

Ils croient en Ahura Mazda, dieu créateur de la terre et du ciel, du feu et de l’eau, et à son fils l’esprit saint qui guide les hommes vers le bon avec qui il ne forme qu’un seul être. Son fils a un frère jumeau l’esprit du mal. Les hommes doués d’un libre arbitre ont donc en eux cette dualité du bien et du mal. 3 jours après la mort, l’âme est appelée au jugement. Les bons franchissent le pont qui mène au paradis, les autres vont non pas en enfer mais dans un purgatoire temporaire d’où ils pourront être rachetés à la fin des temps. Zarathoustra qui aurait vécu entre le VIIème et le VIème siècle avant Jésus Christ en a formalisé les règles et les principaux textes, dont une partie a été détruite lors du sac de Persépolis par Alexandre « le Maudit ». Evidemment l’on reconnaît bien des bases des religions du LIvre. De fait, les interactions ont été nombreuses avec le judaïsme après la prise de Babylone par les Perses et la libération des Juifs tenus en esclavage.

Chack Chack

Chack Chack se trouve dans le désert à une trentaine de km de Yazd. Temple sacré et lieu de pèlerinage Zoroastrien, envahi chaque 14 juin par des pèlerins venus du monde entier. Ici aurait disparu dans les rochers Hayat Banoo, princesse poursuivie par les assaillants. Depuis serait apparue une source, et quelques arbres majestueux.

A l’intérieur du temple. Le feu brûle en permanence. Deux coupes au sol recueillent les gouttes de la source

Trois éléments guident leur pratique au quotidien, le bien penser, le bien parler et le bien agir. Chaque jour, cinq fois par jour, ils se tournent vers une source de lumière et se remémorent ces trois règles pour guider leurs actes au quotidien. Mitra nous définit sa religion comme très attachée à la protection de l’environnement. L’air, l’eau, la terre sont des éléments sacrés qu’il faut préserver de toute souillure. Le feu tient un rôle à part comme un lien entre l’homme et le divin. Dans chaque temple zoroastrien brûle un feu permanent qui sert à des rites de purification. Afin de préserver la terre de la souillure de leurs morts, les corps étaient portés sur des « tours du silence », lieu sacré sur un monticule, pour y être dévorés par les vautours. Cette pratique a été interdite en 1979 par le pouvoir islamique et leurs tours tombent dans l’oubli. A Yazd, leur lieu sacré est progressivement mangé par l’extension d’une zone industrielle.

Une tour du silence aux abords de Yazd

Les zoroastriens restent une petite communauté non prosélyte, se marient entre eux. Ils sont particulièrement appréciés dans les affaires et l’artisanat car leur parole est d’or. Enfin un artisan qui tient ses délais ? Le mensonge contraire au bien parler est une offense grave. Ils se retrouvent rituellement lors de fêtes. Le calendrier Iranien, à côté des années islamiques (nous sommes en 1394 ne l’oublions pas), a conservé le calendrier lunaire zoroastrien qui commence le 21 mars de chaque année lors de la fête du Norouz.

Persépolis, représentation symbolique de Norouz : le lion – le printemps , attaque l’hiver représenté par le taureau

Ils sont aujourd’hui ouvertement reconnus et protégés par la république islamique. Leur appartenance au Zoroastrisme figure sur leur carte d’identité et la communauté bénéficie d’un député au parlement national. Ils ont le privilège, comme les orthodoxes arméniens, de pouvoir faire officiellement du vin et d’en consommer mais n’ont pas le droit d’en vendre aux musulmans. Ils ont une égalité de droit mais savent que les plus hauts postes de l’administration, de la santé, de l’éducation ou de l’armée leur sont fermés. Mitra qui enseigne à l’Université sait qu’elle aura tôt ou tard au-dessus d’elle un plafond de verre. Pas de problème de hiérarchie pour notre marchand de vélo à Shiraz à qui nous achetons une chaîne et qui affiche clairement un portrait de Zarathoustra en lieu et place du guide suprême…