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Comment Tadjikistan et Kirghizstan sont devenus deux destinations phares du voyage à vélo ?

De la France jusqu’en Ouzbékistan, nous n’avons rencontré en tout et pour tout qu’une dizaine de voyageurs à vélo en près de 5 mois de voyage. Rendus au Tadjikistan et au Kirghizstan, nous en croisons presque tous les jours, 1, 2, 3, 4, 5 ou plus, c’est incroyable. De toutes nationalités, beaucoup de Français, d’Allemands mais aussi des Suisses, des Belges, des Néerlandais, des Espagnols, des Italiens, des Anglais, des Tchèques, des Roumains, des Polonais, des Israëliens, des Américains, des Canadiens, des Australiens, des Néo-Zélandais, des Russes ou des Ukrainiens, eux sont plus près. De juin à août, ils débarquent chaque année par milliers à Douchanbé ou Bichkek. Nous retrouvons certes pas mal de voyageurs au long cours traversant le continent d’ouest en est ou d’est en ouest mais aussi de très nombreux cyclistes venus passer ici leurs 2 ou 3 semaines de vacances. Ils sont nombreux en couple mais aussi seuls ou entre amis, majoritairement des jeunes mais aussi des séniors. Ils sont pour la plupart équipés de bons vélos de randonnée, certains de VTT, quelques rares avec des vélos plus légers mal préparés pour l’aventure…

Un cyclo Québécois venu passer ses 3 semaines de vacances

Un jeune couple de Catalans partis plusieurs semaines sur les pistes d’Asie Centrale

Comment ces deux destinations ont-elles pu devenir en aussi peu de temps deux grandes destinations du voyage à vélo mondial alors que ces pays avaient tous les handicaps pour le devenir ? Voilà deux pays, très enclavés, loin de grands bassins de population, pauvres, ayant connu des conflits armés récents (rébellions armées au Tadjikistan en 2014), avec des conditions sanitaires précaires (la moitié des cyclistes étaient malades la semaine de leur arrivée), des routes dans un état pitoyable avec majoritairement des pistes caillouteuses et malaisées, un relief très marqué avec des cols qui s’enchaînent à plus de 4000 mètres d’altitude, un ravitaillement précaire et une restauration franchement médiocre en dehors des quelques grandes villes, des chutes de neige possibles tout l’été…

Alors pourquoi et comment ces deux pays sont-ils devenus des destinations cyclables ? Comment l’information s’est-elle diffusée, comment les acteurs économiques se sont-ils adaptés et quelles leçons pouvons-nous en tirer pour nos réseaux cyclables français ?

Si ces deux pays attirent, c’est d’abord par leur qualité paysagère exceptionnelle. L’Amou-Daria à la frontière Afghane avec ses gorges bordées de sommets enneigés à plus de 5000 mètres, la vallée de la Wakane au sud du Tadjikistan bordant la chaîne de l’Hindu-Kuch à plus de 7000 mètres, la haute route du Pamir dans des paysages lunaires et des cols à plus de 4600 mètres, le lac Song Köl et ses alpages peuplés de paysans venus passer dans leur yourte les 3 mois d’estive avec leurs milliers de chevaux, de yacks, de vaches, de moutons, des vastes étendues désertiques. Il y a bien sûr aussi l’appel de la route de la Soie, les images de caravane, les marchés de la Fergana. Pour quelques uns également le défi physique que représente une telle traversée. La plupart ne sont pas des athlètes, très peu sont des vététistes confirmés, peu ont une grande expérience du voyage à vélo mais tous ont le goût de l’aventure, de la montagne, souvent de la marche.

Des paysages de haute montagne, les yourtes, les troupeaux

De longs cols non revêtus entre 3 et 4000 mètres

Des conditions météo parfois précaires

Rien n’a pourtant été fait par ces deux pays pour promouvoir une destination spécifiquement vélo, peu de mention de vélo dans les rares brochures de promotion du pays, quasiment pas de tours opérateurs largement présents sur le territoire. L’essentiel de la promotion « naturelle » est venue de la blogosphère puis du bouche à oreille. La plupart des voyageurs interrogés tiennent un blog et photos et textes sont bien de nature à « vendre » la destination. Quelques articles dans des revues bien ciblées ont également eu un bon impact, notamment Carnet d’Aventures, Cyclo camping international et dans une moindre mesure des Festivals pour échanger. Ca n’est certes pas en volume la Loire à Vélo mais la fréquentation se compte certainement en dizaine de milliers de nuitées annuelles compte tenu notamment de séjours plutôt longs d’au moins 3 semaines pour la plupart. Les blogs se relaient entre eux pour assurer une promotion croisée. Un site internet « Caravanistan » qui couvre l’ensemble de l’Asie centrale et non spécialisé vélo relaie bien toutes les informations pratiques des cyclistes sur les questions administratives de visa, de transport…

Sur place, dans un contexte de pays pauvre disposant de peu de moyens d’état ou de collectivités, l’initiative est d’abord venue des opérateurs privés, notamment des hébergeurs. Des « lodges » pouvant accueillir généralement de 30 à 50 personnes proposent dans le même établissement une large gamme d’hébergements depuis la tente, la yourte, le dortoir et la chambre individuelle. En fonction de la météo, de l’équipement, de l’occupation et du moral des personnes, il est ainsi possible de toujours trouver le bon niveau de gamme. Ces hébergements sont toujours dotés d’un large abri avec des tables ou d’une grande salle protégeant de la pluie ou du soleil et presque toujours d’une cuisine ouverte à la clientèle. C’est très pratique et parfaitement adapté à l’itinérance. Un solide petit-déjeuner presque toujours inclus dans le prix, avec œufs, concombres, tomates, porridge, pain à volonté vient couronner le tout. Les meilleures adresses se diffusent de bouche à oreille. La clientèle est constituée en majorité de cyclistes mais on y trouve également des motards, des randonneurs sac à dos et quelques 4x4. Dans les endroits les plus reculés en zone de montagne, des paysans montés en estive avec leurs yacks, vaches et moutons ont ouvert leurs yourtes ou une cabane pour les voyageurs. Ils servent un repas pris en commun le soir et tout le monde dort sur les tapis. Le matin ils vous servent un thé au lait avec beurre, crème de yak, avec du sucre sur un morceau de pain, c’est délicieux ou du lait de jument fermenté plus difficile à avaler. Ce mode de tourisme représente un bon complément de revenu pour ces familles et c’est l’occasion de mieux connaître leur mode de vie.

Un espace tente à côté d’hébergement en dur

Une grande halle couverte très pratique pour se protéger de la pluie et du soleil et où les voyageurs peuvent se retrouver et discuter

Des familles d’éleveurs ont ouvert leurs yourtes aux voyageurs à vélo de passage

Un contact privilégié avec les éleveurs

Une épicerie dans une yourte bien pratique pour le ravitaillement

Des transporteurs proposent des trajets à la demande avec de gros 4x4 de 5 à 7 personnes pour revenir au point de départ ou s’avancer sur le chemin. A Bichkek, on trouve même à présent des vélos de randonnée typés VTT à louer. Suivant cette tendance, l’office de tourisme national du Tadjikistan appuyé par US Aid et la Communauté Européenne a commencé à se structurer en développant des offices de tourisme dans les principales villes et édite une belle carte topographique avec mention des principaux services disponibles (restaurants, épiceries, hébergements, pharmacies) dans les villes, villages et hameaux. Le résultat est là avec une destination cyclable qui ne cesse de croître d’année en année.

Quels enseignements tirer de cette réussite étonnante pour notre tourisme à vélo national ? Malgré les différences majeures de contexte, 3 points nous semblent à retenir :

  1. Parallèlement au tourisme familial sur les réseaux de voies vertes qui reste le cœur de clientèle, il y a place pour un tourisme à vélo d’aventure, physiquement plus engagé, sans être ni un tourisme sportif avec vélo de route dans les cols, ni un tourisme VTT très technique. Sur des chemins suffisamment roulants, d’anciennes voies ferrées sommairement réhabilitées, petites routes pouvant comporter du dénivelé mais sans pourcentages trop élevés (<7 à 10%), les régions de montagne peu denses comme le Massif central, le Jura peuvent avoir une vraie carte à jouer. La « Dolce Via » en Ardèche ou « l’Otago Rail Trail » en Nouvelle Zélande peuvent être une bonne illustration d’un tourisme plus « aventure », un peu plus engagé physiquement et potentiellement bien adapté à du court séjour sur le marché intérieur.

  1. Nous avons encore en France un très fort potentiel de développement d’hébergements adaptés à l’itinérance, exactement comme ceux développés au Tadjikistan et au Kirghizstan : une gamme large d’hébergements (camping, yourte ou tente montée, dortoir, chambres) dans un même établissement, des unités de taille modeste (30 à 60 personnes), un espace de service comportant a minima un abri ou salle commune protégeant de la pluie, idéalement une petite cuisine, un copieux petit-déjeuner. En cas de déficit d’offre comme sur l’amont de la ViaRhôna ou dans certains secteurs de l’Ardèche, des petites capacités d’accueil en milieu agricole (Accueil Paysan, Accueil à la ferme) pourraient tout à fait trouver leur place.

  1. La mise en valeur des blogs, des récits personnels, photos et vidéos-reportages personnels dans la promotion des itinéraires est indispensable pour mieux faire fonctionner le bouche à oreille, tant cela a été capital dans la promotion du Tadjikistan et du Kirghizstan en l’absence totale de communication institutionnelle. Quelques revues de voyage bien ciblées, notamment Carnets d’Aventure, Cyclo-Camping International ou ABM et des Festivals mêmes modestes (CCI, Vélosons, ABM), peuvent aussi avoir un rôle complémentaire de diffusion.

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