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Sur la piste non « damée » du ZEN ou du STRESS

Nous quittons le Japon après cinq superbes semaines entre paysages de campagne et urbains, cités modernes et sites historiques. Le pari du Japon en hiver nous a valu quelques nuits un peu froides aussi bien sous la tente que chez certains hôtes, mais nous avons surtout bénéficié d’un temps très sec à de rares exceptions, très appréciable à vélo.

Nous étions attirés par un pays asiatique bien différent de la Chine et nous avons été servis. Les yeux et les oreilles bien ouverts et grâce à de passionnants échanges avec nos hôtes, nous avons pu comprendre un peu plus cette société bien atypique.

Un des premiers mots appris par les petits Japonais est « damé », non pas qu’il s’agisse de l’état des pistes, ce mot signifie « interdit ». Il est en effet essentiel de savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas … puis de suivre la règle à la lettre sans savoir forcément pourquoi, sans s’interroger et surtout sans la remettre en question. Nous voyons ainsi des panneaux qui nous étonnent : Il est interdit de manger dans rue. Il est interdit de fumer dans de nombreuses rues. Il est interdit de manger ou boire dans certains magasins qui vendent pourtant du café et des plats chauds. Il est interdit de garer son vélo à de nombreux endroits. Il est interdit bien entendu de traverser en dehors des passages piétons et quand le passage n’est pas au vert. Il est interdit de boire, de fumer et de sortir après 23 heures avant 20 ans. Et tant d’autres …

Ce qui n’est pas interdit est donc autorisé, comme planter sa tente dans un jardin public !

Personne ne traverse avant l'heure - Enorme carrefour à Tokyo, Shibuya. Dans quelques instants la foule s'élancera sagement.

Les règles sont connues ou affichées comme ici dans la rue à côté du palais impérial à Tokyo. Ne pas aller trop vite, respecter un sens de rotation dans sa promenade ... eh oui.

Les petits Japonais sont donc tout de suite mis sur des rails dont ils ne s’écarteront pas pendant toute leur éducation. Il faut faire bien, réussir, ce qui leur vaut une bonne dose de cours particuliers, mais apparemment moins que dans les grandes métropoles chinoises ou la Corée du Sud. Après le moment ultime de l’examen qui donne accès aux universités suivent quelques années de répit pendant les études supérieures.

Puis viendront ensuite les rails du monde du travail avec tous ses codes, car le chômage du haut de ses 3% est inexistant.

La gestion des ressources humaines à la japonaise est bien différente des modèles occidentaux : Une entreprise, surtout grosse, recrute pour garder ses employés à vie. C’est sa richesse. Elle fait face aux variations d’activité par des heures supplémentaires ou des mouvements avec ses filiales et assume éventuellement une surcapacité de production. Le nouveau salarié commence au bas de l’échelle et progresse dans l’entreprise au gré des évolutions de ses supérieurs et sans griller les étapes. Il est donc forcément intéressé par l’évolution de l’équipe entière avec laquelle il fait corps. On comprend mieux dans ce contexte l’émergence des systèmes qualité. Les licenciements sont très exceptionnels et extrêmement mal vécus tant par le management que par les salariés. Changer d’entreprise également, car il y a systématiquement une rétrogradation dans les fonctions et la rémunération.

Paix, santé, mais aussi de la réussite à l'équipe et une sortie du travail à 17h. Cela ne coûte rien de faire un voeu dans un temple en début d'année !

Dans ce pays bardé de règles, règne une quiétude qui nous saute aux yeux dès l’arrivée : tout fonctionne, tout est beau, la qualité de service est inimaginable, accompagnée de tout un vocabulaire de remerciements, de grands sourires et de salutations par une flexion du buste. Les trains arrivent et partent pile à l’heure. 2 minutes chrono entre l’arrivée et le départ du Shinkansen (TGV) à la gare de Kyoto, le tout dans un calme absolu … incroyable en France ! Les équipements publics sont de très grande qualité et jamais vandalisés, la confiance est un préalable, le vol inexistant ou presque. Le Japon détient le plus faible taux d’emprisonnement des pays de l’OCDE, 15 fois moins que les Etats-Unis. Nous faisons nos courses sans nous soucier de nos vélos chargés à l’extérieur des magasins, ne faisons plus trop attention à nos sacs – une baisse de vigilance à laquelle nous devrons remédier rapidement en partant du Japon ! A ce qu’il paraît les quelques vols les plus fréquents sont plutôt de l’emprunt de parapluies et de vélos (donc non attachés), le fait d’étourderie … ou d’un état d’ébriété avancé. Dans cette société de confiance les enfants bénéficient d’une autonomie importante pour aller à l’école seuls dès le plus jeune âge à 4 ou 5 ans, jouer dehors pendant que les parents font les courses, sans une psychose de l’accident ou de l’agression bien occidentale.

On dit merci en se courbant humblement comme ce petit personnage en fin de chantier. On prend vite l'habitude de le faire soi même et on se sent valorisé devant toutes ces marques de respect.

La préoccupation de la qualité de service est omniprésente comme affiché sur le casque de ce technicien. "Nous sommes toujours en amélioration". Beau programme, mais la pression est bien présente.

Tout est prévu dans les toilettes homme ou femmes : le petit siège pour poser un bébé pendant que le parent est occupé, le repose canne ... Il manque juste les lunettes pour pouvoir lire la notice des commandes électroniques. (idée !!!)

Détail du service, un micro-ondes et une bouilloire dans les convinies ou supermarchés pour pouvoir faire réchauffer les plats préparés. Attention dans certains il est interdit de manger à l'intérieur, dans d'autres à l'extérieur - nous ne sommes pas Japonais et n'avons pas encore tout compris !

Une bonne incitation pour préférer l'escalier à l'ascenseur !

Les « sots métiers » n’existent pas, car tous concourent au bien collectif. Faire la signalisation d’une sortie de supermarché, balayer, travailler sur un chantier de construction, chacun est valorisé dans son activité quelle qu’elle soit. Les relations sociales en entreprise sont plutôt sereines, on ne glisse pas des peaux de banane sous les pieds du collègue car l’évolution de l’équipe détermine sa propre promotion. On sort gentiment au minimum un soir par semaine avec ses collègues pour aider à fédérer l’équipe et on oublie dès le lendemain les fantaisies des collègues éméchés lors de ces soirées bien arrosées. Les écarts de rémunération sont relativement bas, la société plutôt égalitaire, ce qui concourt à la paix sociale. Le Japon partage avec les pays scandinaves le plus bas indice de Gini qui mesure les écarts de richesses.

Tout cela contribue au côté ZEN de la vie à la japonaise.

Chaque médaille bien évidemment a son revers.

La règle est donnée sans explication et ne supporte ni interrogation ni remise en question. Nous nous étonnons par exemple des deux grandes pages de consignes sur le tri des déchets à Tokyo sans aucune explication sur le devenir des filières. Inimaginable en France. Le principe d’obéissance exclut l’esprit critique et ne laisse pas grande place à la créativité ! Ce n’est d’ailleurs pas le fort des Japonais, qui ont beaucoup misé pour leur développement sur l’observation et la reproduction améliorée plus que sur la création … De magnifiques bâtiments récents à Tokyo œuvres d’architectes japonais seraient ils des exceptions ?

Suivre des rails dans une société protectrice explique aussi peut-être ce côté puéril qui saute aux yeux : les héros de mangas et de jeux vidéos sont adulés et se déclinent en figurines, habits et autres accessoires portés par de jeunes adultes sans complexe. On ne se cache pas de se promener avec une peluche dans les bras, de passer des heures, rivé sur un écran vidéo … Autre défouloir les jeux d’argent qui ne portent pas leur nom (car ils sont eux aussi interdits). Les « pachinkos et slots » se succèdent dans toutes les villes. Temples de machines à sous, espaces bruyants et enfumés, où l’unité est le jeton … échangé contre monnaie sonnante et trébuchante à l’entrée comme à la sortie.

Dans un bruit assourdissant des centaines de jeunes sont absorbés par leurs jeux dans les sous-sols du Tokyo branché.

Passer la nuit avec son doudou rose ou s'habiller en poupée n'a rien de ridicule ici.

Lui promène ... une paire de chaussons. A quel degré faut-il le voir ?

Ce petit robot peut nous donner beaucoup d'explications dans un magasin de téléphonie. Mais comme tout est en japonais, nous préférons lui demander de chanter et danser. Pas mal ! Des robots beaucoup plus proches de l'humain sont en démonstration dans le musée technologique Odaiba.

La sortie de la règle est sans merci et ouvre à tous les excès. Les crimes sont rares mais odieux, sans limite dans leur déclinaison.

Les pénalités nous semblent disproportionnées : une voiture mal garée peut engendrer plusieurs milliers d’euros d’amende. Nous assistons le soir à Kyoto à l’enlèvement de dizaines de vélos mal garés (mais jamais attachés à un point fixe !) dans un camion. Un jeune essaye de récupérer son vélo qui vient d’être chargé. En vain. Il devra aller le chercher à la fourrière et payer une forte somme. Un feu grillé peut conduire à 3 mois d’emprisonnement (même pour un vélo). Autant dire que Nicolas a rongé son frein bien souvent, bouillant d’impatience devant des feux rouges et des voies désertes.

Pas de chance le vélo est déjà chargé et les employés ne voudront rien savoir. Sur des quais de Tokyo nous rencontrons une fourrière de plusieurs milliers de vélos rangés serrés. Nicolas en a les yeux tout révulsés !

Dans le monde du travail le mythe du salarié japonais avec quelques jours de vacances qui vit avec ses collègues est presque une réalité. Le droit du travail est léger, mais il ouvre quand même à deux jours de repos par semaine et à une vingtaine de jours de congés par an dont la moitié sont des jours fériés – pas si mal ! Mais les petites ou jeunes entreprises sont peu regardantes sur son application et tout le monde ferme les yeux. Le bien collectif encore justifie d’un engagement supplémentaire de tous. Les règles s’appliqueront plus tard. Un salarié peut faire grève. Il porte alors un brassard, signe de son mécontentement et continue à travailler. Dans les grandes villes où le logement est cher, le salarié moyen débute et finit sa journée par plusieurs heures de transport en commun, mange le soir avant de rentrer chez lui, termine la soirée avec ses collègues – parfois dans un sale état, et au mieux rentre chez lui tard ou termine sa nuit dans un « capsule hôtel » qui porte bien son nom. Tout cela ne contribue pas à une vie de famille harmonieuse ! Les femmes qui sont aussi nombreuses à l’université que les hommes peuvent suivre ce même parcours ou faire le choix d’un emploi plus régulier. Certains hommes le font aussi. Leur salaire de départ sera le même que celui de leurs collègues, mais les emplois n’évolueront pas ou presque ni en intérêt ni en rémunération. Un choix dès le démarrage sur lequel on ne peut pas revenir…

Dans ce contexte on ne s’étonne pas que les femmes s’arrêtent de travailler dès qu’elles ont un enfant et que nombreuses sont celles qui font le choix de ne pas en avoir. Le taux de natalité est extrêmement bas au Japon, encore un record mondial avec 1,2 enfants par femme et les hommes japonais sont peu impliqués dans les tâches ménagères ! Pour autant le pays n’ouvre pas ses frontières. Nouveaux records avec 0,7% d’émigration et 1 ,5% d’immigration. Rares sont les salariés étrangers. Des femmes de ménage Philippines ne pourront jamais faire venir leur famille au Japon et seront toujours mal considérées. Un jeune Français travaillant dans l’hôtellerie à Kyoto, ville très conservatrice, nous explique le changement de regard ressenti en disant qu’il n’est pas touriste mais travaille au Japon. Pour la plupart des parents, le mariage d’un enfant avec un ou une étrangère est un désastre familial.

Adhérer ou être exclu, il n’y a pas de demi-mesure, le Japon est binaire. Pas bien facile à vivre pour un Français tout ça ! Pour certains Japonais aussi. Ils font alors partie des exceptions, de ceux qui ne veulent pas travailler dans les grandes entreprises et qui assument des choix atypiques. Des « marginaux » mais qui disent quand même merci en se courbant et jettent leurs bouteilles plastique au bon endroit. La plupart de nos hôtes en faisaient partie.

Cette pression sur le respect des règles et le modèle d’une vie très traditionnelle essentiellement ancrée sur le milieu du travail pour les hommes concourt à un taux de suicide élevé mais largement dépassé par la Corée du Sud et la Biélorussie. Le burn-out a été déclaré cause nationale récemment par le ministre du travail. Les divorces sont fréquents parmi les retraités qui découvrent qu’ils n’ont rien de commun après plusieurs années de vie peu commune.

Voici le côté STRESS de la vie Japonaise.

A vélo au Japon, nous avons surtout bénéficié du côté ZEN si ce n’est Nicolas face aux feux rouges. Voyager au Japon est un régal que nous n’avons connu nulle part ailleurs. Y vivre semble bien différent, surtout dans une structure japonaise. Pas sûr que ce soit à notre portée !

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