Grandeur impériale et faste soviétique de Moscou et St Pétersbourg
Nous sortons de notre traversée de la Russie en transsibérien groggy par le roulis du train, et bien déphasés. Même si le voyage est beaucoup plus progressif qu’en avion, il y a tout de même 7 heures d’écart entre Vladivosok et Moscou. Nous avons abondamment lu, beaucoup dormi, regardé par la fenêtre, rêvassé et un petit peu mais trop peu échangé avec nos voisins. Nous ressentons plus que jamais l’écart qu’il y a entre le voyage à vélo et la richesse de ses échanges avec celui du « back packer » en transports en commun. Sans nos vélos nous passons anonymes, même quand nous expliquons un peu notre parcours. Notre voyage est abstrait et n’éveille pas la curiosité qui pourrait permettre d’engager la conversation.
Nous arrivons à Moscou au petit matin. Le sol est faiblement couvert de neige, il ne fait pas très froid, il gèle à peine. Nous terminons notre nuit dans la salle d’attente en étalant tout notre petit déjeuner, puis partons vers notre premier palace, le métro. Cette fois le mythe rejoint bien la réalité. Le « palais du peuple » est somptueux, tout de marbre et de lustres, de statues et de dorures qui sont déclinés au fil des stations. Des escalators vertigineux plongent dans les abîmes de la ville, une centaine de mètres sous le niveau du sol. Les métros défilent toutes les 3 ou 4 minutes, vont très vite ce qui rend le déplacement extrêmement efficace. Par contre les stations sont espacées d’un à deux kilomètres. Il faut donc marcher beaucoup.
La splendeur du métro de Moscou, palais du peuple
Nous marcherons donc beaucoup lors de ces six jours passés à Moscou puis à Saint Petersbourg.
L’histoire est vivante. Nous nous plongeons dans les palais et musées du Kremlin à Moscou puis de l’Ermitage à Saint Petersbourg dans le faste gigantesque de l’aire impériale, la démesure de l’or et des pierreries, des carrosses et de la vaisselle, des collections d’art …. Les palais se succèdent à Saint Petersbourg, et on entendrait presque les fiacres du temps de Tolstoï entrer dans les cours pour les réceptions des familles nobles. On pourrait encore voir à travers les fenêtres les bals somptueux et les habits de luxe. Les bulbes dorés des églises brillent de partout, la basilique Saint Basile à Moscou donne le sourire avec son air de décor en carton-pâte d’un film de Walt Disney. Le soir à Moscou les rues s’animent d’un festival de fin d’hiver, carnaval local. Des danseurs et chanteurs costumés nous entraînent dans leur danse pour appeler le printemps.
Sur la place rouge, les bulbes de St Basile prennent des allures de Disneyland
Festival d'hiver à Moscou, on danse, on chante pour conjurer l'hiver et appeler le printemps
La révolution est passée par là. 23 février (mais 8 mars suite au changement de calendrier), 100 ans exactement que de grosses grèves ont éclaté à Petrograd (Saint Petersbourg), premier pas de la révolution. Nous revivons ce 20ème siècle dans l’admirable musée d’histoire politique à Saint Pétersbourg, lieu même où Lénine tenait son quartier général. Nous poursuivons le soir par la lecture de Soljenitsyne. La chape de terreur, de répression, d’anéantissement de toute initiative ou réflexion et les millions de morts flottent sur les immenses bâtiments staliniens de Moscou. Faut-il y trouver aussi une explication à l’attitude rustre et quelque peu brutale que nous rencontrons si souvent chez les Russes ? On se bouscule, les visages sont fermés, les mots de politesse plus que rares. Encore bien imprégnés de l’extrême attention japonaise, nous sommes brassés et choqués de ce manque de prévenance dans les relations.
Les villes sont belles. La rénovation récente de Saint Petersbourg à l’occasion de ses 300 ans en 2003 est impressionnante. Les façades magnifiques s’alignent sur des kilomètres dans une grande unité architecturale. La nuit les éclairages rendent féériques même les bâtiments staliniens de Moscou qui s’alignent dans leur gris austère le jour. Nous sommes dimanche et allons comme beaucoup de Russes nous promener dans le grand parc panrusse des expositions du VDNKH. Les pavillons des anciens états soviétiques se dressent bon an mal an dans un état de décrépitude variable. Ils accueillent diverses expositions dont une de photographies du 20ème siècle qui présente l’impact de la politique dans l’expression de cet art.
Partie de patin à glace dans le parc du VDNKH
Cours de ski de fond dans un parc de Moscou devant un immeuble de pur style stalinien
Splendeur de la place devant le palais d'hiver de St Petersbourg
Le palais impérial est encore plus beau dans ces journées d'hiver
Les canaux de St Pétersbourg gelés et enneigés
La neige s’invite régulièrement par petites averses. Sous les flocons de Moscou, un cours de ski a lieu sur la petite pente d’un jardin public devant les hauts bâtiments pompeux de l’ère soviétique. Dans les rues, les cantonniers n’en finissent pas de balayer et ramasser la neige évacuée ensuite par camions. Le froid pince dès que le vent se lève, alors nous nous réfugions dans un musée, une « stalovaia » (cantine) ou un café-boulangerie où le chauffage est poussé à fond. A Saint Petersbourg la Neva est gelée. Certains s’y promènent, pédalent ou pêchent, mais les traces du brise-glace sont bien visibles et n’engagent pas à s’y aventurer !
Nous n’avions jamais vu autant de fourrures. Les manteaux se portent longs ou courts, et s’ils ne sont pas entièrement de fourrure, alors cette dernière orne les cols ou capuches, les chapkas ou étoles. Nous nous sentons petits entre des Russe(e)s souvent grands, très grands voire très très grands. Si les ogres existent, alors c’est sûr, ils sont Russes !
Les pêcheurs percent un trou dans la glace avec leur chignole
Un cycliste profite de la Neva gelée comme d'une large piste cyclable à l'abri de la circulation
Nous marchons beaucoup mais nos vélos nous manquent. Pas un seul dans les rues de Moscou, les vélos en libre service de Smoove sont rentrés au chaud pour l’hiver. A St Pétersbourg ils sont un peu plus nombreux à affronter le froid mais surtout la circulation rapide des voitures sans beaucoup d’égard pour ces intrépides pédaleurs. Si les transports en commun sont bons et bien utilisés, la place accordée aux piétons ne nous satisfait pas vraiment. Nous nous trouvons souvent prisonniers sans issue, bordés d’avenues d’une largeur stalinienne et infranchissable, dans le bruit des moteurs et des pneus cloutés. Encore difficile pour les autorités locales de faire un peu de place aux piétons et aux cyclistes et de risquer de se mettre à dos les automobilistes… Les zones à trafic limité italiennes seraient pourtant les bienvenues ici.
Notre lent retour se poursuit en direction des Pays Baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie. Nous allons rentrer dans la communauté européenne et la zone € par ces petits pays méconnus.