Korla, la ruée vers l’or noir
Descendus des hauts plateaux du Tien Siang, nous voici arrivés à Korla, aux portes du désert du Taklamakan. Ce qui n’était qu’une petite ville étape sur la route de la Soie est devenu une ville de plus de 1,3 millions d’habitants, en triplant de population en un peu plus de 5 ans. Ville agricole il y a quelques années bénéficiant d’un climat propice au maraîchage et à la culture de la vigne et de la poire, elle est devenue un nouvel eldorado dans le far-west chinois depuis la découverte de grandes ressources pétrolières dans le désert voisin, encouragée en cela par le gouvernement chinois prompt à renforcer la présence Han, l’ethnie majoritaire dans le grand ouest.
Passer de 0,4 à 1,3 M d’habitants est un défi urbanistique inimaginable en terme de logement, de transport, d’accès à l’eau, d’assainissement, de services publics d’éducation, de santé, d’environnement. Nous connaissions cette fièvre de croissance dans l’est de la Chine mais nous ne l’imaginions pas ici. Au loin, la ville nous apparaît comme une longue barre de tours de 20 à 40 étages. Tout ici paraît flambant neuf, les routes, les grands centres commerciaux en plein centre-ville, les espaces publics.
L’arrivée sur Korla, une barre continue d’immeubles de 20 à 40 étages
Passer en 5 ans de 0,4 à 1,3 M d’habitants, un défi urbanistique inimaginable
Tous les grands axes, généralement à 2x3 voies sont équipés de larges bandes réservées aux vélos et aux deux et trois roues motorisés très présents dans la circulation, ou de pistes de 4 mètres largement arborées et d’axes piétons de qualité. Tout l’espace disponible entre les allées cyclables et piétonnes et les fronts de commerce sont réservés au stationnement des véhicules motorisés créant une véritable coupure.
Une large piste arborée de 4 mètres de large sur les grands axes pour tous les vélos et engins à 2 et 3 roues
Les rues adjacentes sont souvent piétonnes et filtrées par un impressionnant service de sécurité qui scanne tous les colis, bagages et personnes. Les attentats sanglants des extrémistes ouïgours des dernières années sont encore dans toutes les têtes et la présence policière est continuelle. Les Ouïgours sont devenus minoritaires dans leur propre province devant le rouleau compresseur venu de l’est et certains dénoncent une perte de leur culture. On ne peut pourtant pas dire comme au Kurdistan turc que la province est délaissée par l’investissement public national ou que leur culture n’est pas mise en avant dans la promotion touristique de la province. Il s’agit au contraire d’une forme de colonisation de masse conduisant à une assimilation progressive difficile à combattre.
Après des jours et des jours sur les hauts plateaux turcs et iraniens et dans les montagnes d’Asie Centrale, nous sommes à la fois complètement perdus et sans voix devant cette effervescence. Patience, nous allons bientôt retrouver le désert. En attendant, on nous dévisage dans la rue, nous n’y avons pas rencontré un seul occidental. Comparés aux complexités de la politesse iranienne, le comportement et les attitudes nous paraissent ici un peu frustres. Crachats et profonds raclement de gorge, ivresse publique assez fréquente, voix tonitruantes dans les échanges au téléphone portable, bousculades, peu d’excuses, peu de bonjour et bien peu d’égards vis à vis des serveuses, des vendeurs, du personnel de service. Il va falloir nous y habituer…