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Safari tibétain

Disons le tout de suite cette traversée du plateau tibétain de Golmud à Yushu restera un des moments les plus forts du voyage, susceptible d’assouvir nos désirs d’infini, d’espaces, de beauté et d’altérité pour quelques années…

De Golmud nous remontons une vallée alluviale où la rivière a creusé de grands canyons. Nous quittons pour longtemps nos derniers arbres qui se teintent de jaune et d’ocre.

Nous empruntons une des deux grandes routes d’accès à Lhassa, chasse gardée sous haute surveillance. Nous croisons de très nombreux convois militaires qui montent ou descendent du plateau. La route se fait plus étroite et nous sommes entourés de hautes montagnes enneigées.

Nous remontons une vallée alluviale et quittons pour longtemps nos derniers arbres

En montant nous côtoyons de hauts sommets enneigés

Sur la route de Lhassa, nous croisons de nombreux convois militaires qui montent ou descendent du plateau tibétain

La province administrative du Tibet qui reste malheureusement fermée aux voyageurs individuels comme nous, ne recouvre qu’une partie du plateau et de l’aire d’influence tibétaine. Une grande partie du Qinghaï et toute la partie est du Sichuan et du Yunnan sont de culture tibétaine. C’est là que nous nous rendons.

Le train qui relie Chengdu à Lhassa est un des plus hauts du monde à 4800 mètres

Le 3ème jour, nous arrivons au col qui donne accès au plateau, à 4800 mètres d’altitude. Notre plus haut col aura aussi été un des plus faciles, long mais avec une pente bien adaptée au trafic des nombreux poids lourds qui l’empruntent. Les drapeaux de prière tibétains flottent au vent qui souffle en rafale et nous apporte quelques averses de neige. Nous sommes sur le plateau et allons rester une bonne semaine entre 4200 et 4800 mètres d’altitude. La première nuit à 4600 mètres, nous ressentons les effets de l’altitude avec un mal de tête qui va s’estomper en quelques jours, le souffle court, mais rassurez vous aucune perte d’appétit !

En haut du col, les drapeaux de prière claquent au vent glacé

Nous plantons la tente un peu après le col, la nuit est glaciale mais les couleurs magnifiques.

Quelques kilomètres après le col, nous quittons la route de Lhassa pour une petite route parfaitement asphaltée où nous ne rencontrerons plus que quelques rares véhicules. Nous sommes sur la ligne de partage des eaux entre celles qui vont se perdre au nord dans le désert du Taklamakan et celles qui vont rejoindre la Mer de Chine. Nous allons suivre sur des centaines de kilomètres le Yang Tsé Kiang, le fleuve mère du pays, qui prend sa source à quelques encablures. Il est déjà large, ocre rouge et prend ses aises sur le plateau. Le Fleuve Jaune et le Mékong ont également leur source à proximité. Trois des plus grands fleuves de la planète viennent de ce vaste château d’eau. Comme pour l’Euphrate, l’Amour et le Syr Daria, c’est un moment d’émotion que de le franchir. Tous nos cours de géographie et les rêves associés nous reviennent en mémoire.

Nous sommes sur le plateau, tout près des sources du Yang Tsé et du Fleuve jaune

Petit clin d’œil à Obélix, les menhirs sont bien utilisés ici…

Sur ce plateau, entouré de hautes montagnes enneigées, dans des nuances de vert, d’ocre jaune, d’or et de roux des herbes basses teintées par le gel, un spectacle inoubliable s’offre à nous. Nous apercevons d’abord quelques ânes sauvages au pelage sombre et au ventre gris, massifs mais puissants dans leur course, quelques yaks sauvages solitaires et imposants avec leur bosse sur les épaules. Puis nous devinons au loin les magnifiques antilopes des neiges aux cornes hautes et droites, en danger de disparition mais protégées, elles sont le symbole de la lutte contre le braconnage. Plus loin encore nous apercevons, une, puis deux, puis des dizaines de gazelles aux petites cornes recourbées comme nos bouquetins et aux fesses blanches comme nos chevreuils qui broutent et galopent. Un soir, un petit groupe nous précède le long de la route sautant et galopant à nos côtés d’une course aérienne, c’est magnifique de puissance et de finesse. Nous plantons la tente à proximité d’un petit lac où des oies et des canards sauvages ont élu domicile. Un couple de grues blanches et noires à la démarche étudiée vient ajouter au spectacle au soleil couchant. Au matin, tout est blanc de gel, un groupe de gazelles passe en courant devant la tente. Sur la route, la flamme rousse d’un renard au bout de la queue grise passe devant nous, file dans les herbes et nous observe à la dérobée. Ils doivent se régaler de tout un petit peuple d’une sorte de hamster qui colonise les pentes, tout comme les magnifiques et larges rapaces que nous croisons le long de la route, perchés sur les mats des drapeaux de prière. Tout ce petit monde mange à qui mieux mieux avant l’hiver. Dans 2 à 3 mois, la température descendra à -40°C.

Les ânes sauvages trapus et puissants

Des yaks sauvages

Les antilopes du Tibet avec leurs longues cornes droites, protégées depuis quelques années mais toujours en danger

Tout un groupe de gazelles des neiges passe devant notre tente un matin

Le plateau est couvert de sortes de petits hamsters très rapides à la course

De magnifiques renards roux à la queue grise

Un couple de grues près de notre campement

De très beaux rapaces s’envolent à notre approche

Des petits lacs abritent des colonies d’oies et de canards

En cette fin de mois de septembre, les nuits sont déjà fraîches. Comme sur l’Altiplano bolivien il faut être sous la tente avant le coucher du soleil et il est difficile de se lever avant qu’il ne brille. Les nuits sont donc longues et réparatrices. Quand le vent souffle, l’atmosphère est glaciale. Les bouteilles d’eau gèlent dans la tente et au petit matin, l’humidité nous prend dans nos duvets. Au réveil, tout le plateau est blanchi par le gel ou par la neige. En journée, comme chez nous en haute montagne, nous pouvons passer sans transition d’un bel après-midi de fin d’été à de violentes bourrasques de neige qui ne tient pas longtemps au sol.

Les nuits sont déjà fraiches en septembre. Les bouteilles gèlent dans la tente

Réveil frisquet sous une petite couche de neige

Nous traversons quelques petites villes à l’ambiance unique. Les Tibétains aux pommettes hautes et à la peau cuivrée par l’altitude sont ici largement majoritaires et la culture tibétaine très présente. Les hommes s’habillent d’un long manteau de peau et d’étoffe moirée avec des manches interminables qui leur servent de manchons et portent avec beaucoup de fierté un large chapeau de cuir. Les femmes sont plus magnifiques encore avec leurs longues jupes, colliers, boucles d’oreilles et leurs longues nattes noires tressées serrées. De nombreux jeunes préfèrent une veste de cuir noir façon Renaud des années 80.

A Qumarlé, une petite ville du plateau

Même dans les petites villes du plateau, la fièvre chinoise de la construction continue. Des kilomètres de rues sont déjà en services avec des lampadaires pour éclairer les yaks.

Les Tibétains sont curieux, chaleureux et toujours très souriants à notre égard.

Contrairement au Kirghizes, presque tous ont troqué leurs chevaux contre des motos rustiques avec lesquelles ils vont à la ville ou rassemblent leurs troupeaux de yaks. Il faut les voir klaxonner les bêtes les plus récalcitrantes pour les faire rentrer dans le rang, le spectacle vaut le détour. Quand ils approchent derrière nous sur la route, on entend d’abord la voix puissante de leurs chants. D’autres installent une sono sur leur moto et diffusent des mantras. Ils roulent un moment avec nous, s’enquérant de notre parcours et de notre destination puis repartent en chantant. L’un tient le guidon d’une main encapuchonnée dans la longue manche de son manteau pendant qu’il tient son chapeau de l’autre. D’autres plus nombreux se déplacent en famille, la femme en amazone sur le siège arrière tenant un enfant tout emmitouflé dans ses bras. Tous nous saluent et nous gratifient d’un large sourire.

Les Tibétains sont curieux, chaleureux et souriants. Les femmes portent de magnifiques jupes

La religion occupe une place prépondérante dans la vie des Tibétains et reste un marqueur identitaire très fort. A chaque col sont disposés de hauts mats d’où partent des drapeaux de prières de toutes les couleurs. Les prières écrites dans la belle graphie tibétaine s’envolent au vent. Puis le temps fait son œuvre, le vent réduit les drapeaux à de petits bouts de tissus et le soleil efface prières et couleurs. Ces mâts sont aussi disposés près des fermes pour protéger gens et troupeaux. Sur les ponts, sont disposés des galets peints sur lesquels se répètent lettres et motifs. Dans les villages, une forêt de mâts entoure le temple et les stupas. La plupart des personnes portent en permanence un chapelet et égrènent leurs mantras à toutes heures de la journée. Les commerçants les plus pieux placent au dessus de leur boutique des hauts-parleurs et diffusent à pleine puissance des enregistrements de prières. Les moines de tous âges au crâne rasé, à la robe rouge grenat et au foulard et chapeau orange vif sont partout très présents.

De très nombreux drapeaux à prière flottent au vent sur tous les cols

Les habitants du village viennent tourner autour du chorten en psalmodiant

Un vieux Tibétain passe de maison en maison pour réciter des prières et faire tourner son moulin en échange de quelques pièces

Le pharmacien du village avec ses nombreuses herbes

Même au restaurant les tibétains continuent de prier ou de psalmodier

Après Qumalaï, nous quittons le plateau et refranchissons le Yang Tsé pour nous engager dans des gorges, passer d’une vallée à l’autre et franchir un grand nombre de cols élevés mais sans difficulté. Les vallées et les montagnes environnantes sont beaucoup plus exploitées avec d’immenses troupeaux de yaks noirs, gris ou blancs. Ils sont magnifiques avec leurs longs poils, leur queue en panache et leurs larges cornes. Malgré leur allure de gros ours, ils sont particulièrement lestes, courant à vive allure d’une démarche aérienne et à l’aise dans des pentes très raides. Toujours actifs, nous ne les voyons jamais allongés à ruminer comme des vaches. Bien adaptés au froid et à l’altitude, ils vont rester tout l’hiver sur le plateau ; ici pas de basse vallée comme au Kirghizstan. Quelques éleveurs prolongent encore un peu la saison d’estive sur les hauteurs dans leurs tentes. Les autres s’affairent à la ferme pour refaire les enduits, repeindre les murs, empiler les bouses de yaks sèches qui serviront de combustible, monter des murets qui protègeront les troupeaux du vent d’hiver ou aménager une étable. Pas besoin de foin pour l’hiver, les yaks paissent toute l’année, les chutes de neige ne sont le plus souvent pas très épaisses et vite balayées par le vent.

Le yak est la principale richesse du plateau tibétain, les yaks sont principalement noirs mais quelques uns sont blancs ou tachetés

Les fermes sont pour la plupart isolées. Elles comprennent le plus souvent un corps d’habitat de deux pièces, une cour avec des murets protégeant du vent, fermée par un portail de métal ouvragé et parfois une bergerie ou une étable. Une tente bleue récupérée des camps installés suite au tremblement de terre de Yushu vient servir d’appoint. Les maisons sont montées en adobe aux bonnes propriétés isolantes ou en pierre selon les ressources locales, parfois en parpaings. La couleur dominante est le jaune. Une frise d’ocre rouge bordée de bleu et décorée de ronds blancs surplombe la maison. Le toit est généralement plat ou parfois surmonté d’une charpente métallique et de tôles de couleurs vives. Les bouses de yaks sont élégamment montées en murets, penchées dans un sens puis dans un autre en dessinant d’élégants motifs géométriques.

Les fermes isolées comprennent un corps d’habitat, un mur d’enceinte pour protéger les bêtes du vent et des loups. Le drapeau à prière flotte au vent.

Les portails ouvragés des maisons tibétaines

Nous terminons cette virée en altitude par une belle descente sur Yushu à 3600 mètres d’altitude. La ville de 400 000 habitants a été entièrement détruite par un tremblement de terre de magnitude 7,1 en avril 2010 faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes. Elle a été entièrement reconstruite à une vitesse prodigieuse comme les Chinois savent le faire. Mais de nombreux bâtiments neufs faits à la va-vite sont déjà délabrés quand d’autres n’ont visiblement jamais été habités et sont squattés. Nous arrivons le 1er octobre, jour de la fête nationale chinoise, visiblement peu fêtée ici. Les éleveurs avec leur famille sont descendus de leurs montagnes tout endimanchés dans leurs magnifiques costumes pour aller faire leurs courses. C’est la ruée dans les magasins. Les moines également très nombreux ici font sans doute relâche et en profitent pour aller courir les boutiques. Incroyable contraste entre la vie des hauts plateaux, des temples et les rues commerçantes, les supermarchés avec leurs publicités, leurs haut-parleurs qui hurlent dans la rue leurs slogans assourdissants, leurs bonhommes sandwich gonflables vantant les meilleurs contrats de smartphone. « L’économie de marché socialiste », terme officiel, nous laisse pantois.

Le contraste est saisissant entre la vie sur les plateaux et l’effervescence commerciale de Yushu où paysans et moines viennent s’enquérir des dernières technologies de téléphone portable…

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